Rechercher dans ce blog

jeudi 4 août 2016

Détachement d’une société mère située à l’étranger vers une filiale française : quand tout finit par un assujettissement en France

Le principe de territorialité posé par le code de la sécurité sociale veut que tout travailleur qui satisfait aux conditions d’assujettissement pour une activité exercée en France, quelle que soit sa nationalité et quel que soit le lieu où est établi son employeur, doit être affilié au régime français, sous réserve des traités et conventions internationales (c. séc. soc. art. L. 111-2-2 aujourd’hui). Autrement dit, si les conditions posées par ces conventions ne sont pas réunies, le risque de redressement est réel dès lors que les critères d’assujettissement en France sont réunis.

Dans les groupes internationaux, les sociétés mères établies à l’étranger détachent parfois des salariés dans des filiales établies France en considérant qu’ils continuent à relever, en matière de sécurité sociale, de l’État d’origine, sans affiliation au régime général français et donc, sans les cotisations correspondantes.

Mais les URSSAF y trouvent parfois à redire, comme le montre une affaire jugée le 7 juillet 2016 par la Cour de cassation.

L’URSSAF de Paris avait réintégré dans l’assiette des cotisations les rémunérations et avantages en nature perçus pendant tout ou partie d’une période courant du 1er janvier 1988 au 30 septembre 1990, par trois collaborateurs de nationalité britannique, hollandaise et américaine, détachés de la société mère ayant son siège aux États-Unis au sein d’une filiale française.

La société contestait l’existence du lien de subordination unissant la filiale à ces salariés et justifiant leur assujettissement au régime général de sécurité sociale français, et donc le redressement. Elle estimait que la cour d’appel n’avait pas vérifié si la filiale leur transmettait ses directives, organisait leur activité professionnelle et en contrôlait l’exécution.

Mais ainsi que relevé par la Cour de cassation, les juges d’appel ont constaté que les intéressés avaient été détachés par la société mère américaine pour exercer leur fonction à partir de leur lieu de résidence habituelle établie en France au sein de sa filiale française, qui a pris en charge la part des prestations exécutées en France par les trois salariés et les avantages en nature dont ils ont reçu le paiement en France et que ces derniers se trouvaient placés sous la direction et l’organisation de cette filiale.

En l’état de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel avait bien fait ressortir l’existence d’un lien de subordination entre la société et les trois travailleurs intéressés.

Parmi les autres arguments invoqués en défense, la société faisait aussi valoir le fait que les salariés en question étaient restés soumis « uniquement » à la législation de sécurité sociale de l’État de départ (USA en l’espèce) en application de l’accord de sécurité sociale du 2 mars 1987 entre la France et les USA (accord publié par décret 88-610 du 5 mai 1988, JO du 8), ce qui excluait l’affiliation au régime français.

À cet égard, la Cour de cassation constate qu’en cas de détachement d’un État vers un autre, le salarié reste soumis uniquement à la législation du premier État, à la condition que la durée prévisible du travail sur le territoire de l’autre État n’excède pas 5 ans (art. 6 § 1). Cependant, la Cour pointe aussi un arrangement administratif du 21 octobre 1987 relatif aux modalités d’application de l’accord de sécurité sociale du 2 mars 1987, aux termes duquel lorsque la législation d’un État contractant reste applicable, l’organisme de cet État émet, à la demande de l’employeur et dans les conditions qu’il précise, un certificat pour la durée de la mission, attestant que le travailleur salarié reste assujetti à cette législation.

Or, l’URSSAF avait constaté l’absence de ces justificatifs pour les 3 salariés, à l’exception de l’un d’entre eux pour la période « 1er juillet 1988 – 31 juillet 1990 ».

De ce fait, la cour d’appel pouvait exactement en déduire que la situation des salariés ne répondant pas aux conditions fixées par l’accord du 2 mars 1987 et l’arrangement du 21 octobre 1987, la législation américaine n’était pas restée applicable. Dès lors, le redressement était justifié.

Cass. civ., 2e ch., 7 juillet 2016, n° 15-23517 FPB

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire